En début de semaine, deux manifestations ont eu lieu à Vienne et Francfort contre la multinationale française Danone, groupe auquel appartient l’entreprise mexicaine d’embouteillage d’eau Bonafont. Cette dernière procède en effet à une extraction laissant les habitants d’un village de la région de Cholula, dans l’État de Puebla, à court de ce précieux liquide, ce que dénoncent différentes associations autrichiennes et allemandes.

En quoi consiste le conflit ?

Les habitants de la région dénoncent le fait qu’ils souffrent depuis 2013 d’un manque vital d’eau et pointent du doigt la présence de l’embouteilleur dans la commune de Juan C. Bonilla. Les communautés indigènes Nahua qui y vivent ont remarqué que le débit de la rivière Metlapanapa, dont le cours provient des contreforts du volcan Popocatépetl, avait drastiquement diminué. Selon les médias locaux, l’exploitation de la source aquifère est de 1,7 million de litres d’eau par jour.

Organisés au sein du Front populaire uni de Cholula, ils ont procédé à une fermeture symbolique de l’usine en 2013, mais le problème a continué d’être ignoré par les autorités, tant au niveau national qu’au niveau de la Région. Le conflit s’est intensifié pendant 11 ans jusqu’à ce qu’ils décident le 22 mars 2021, lors de la Journée internationale de l’eau, d’occuper l’usine pour arrêter le pompage de l’eau. Le lieu a été renommé Maison du Peuple – Altepelmecalli, accueillant des séminaires d’information sur les résistances populaires et permettant le développement de projets pour la communauté tels que les services de santé et la communication, par exemple une télévision communautaire.

« Cette entreprise criminelle a volé quotidiennement des millions de litres d’eau dans notre région, asséchant nos puits, nos rivières et nos sources. Après l’avoir expulsée, le peuple construit la vie sur ces ruines, avec la santé, l’éducation, la communication, l’agriculture, l’élevage, la justice et des projets coopératifs. »

Front populaire uni de Cholula

Près d’un an plus tard, après la forte pression exercée par Bonafont sur l’État, des grenadiers, des policiers et des éléments de la Garde nationale (militaire) ont expulsé le groupe d’indigènes et de paysans nahuas aux premières heures du 15 février 2022. Ceci suite à la décision d’un juge de rendre l’usine à la société d’embouteillage.

Soutien international

Le Front populaire a demandé aux organisations sociales et aux médias de diffuser et de soutenir la cause, car ils assurent qu’après la décision de justice, ils courent le risque d’une éventuelle criminalisation et répression s’ils continuent à lutter pour leur droit à l’eau. En effet, on constate depuis quelques années, dans toutes les régions du Mexique, des pressions de la part d’entreprises et de la part de l’Etat contre les habitants qui s’organisent pour défendre leurs intérêts. Dans ce domaine, les disparitions forcées ou les assassinats de militants sociaux ou écologistes sont légion.

Action en soutien aux habitants de Cholula. Cologne, Allemagne.

De leur côté, un groupe de personnes en Allemagne, des militants contre le changement climatique de la ville de Lützerath, sont descendus dans la rue le 1er mars 2022, déroulant des banderoles dont une de 9 mètres de haut dans le hall central de la gare de Francfort, en soutien aux Nahuas et exigeant l’arrêt de l’extraction de l’eau dans cette région du Mexique (voir vidéo du groupe ci-dessous).

https://twitter.com/LuetziBleibt/status/1498728914998513667?s=20&t=SPlx4m3NzQsTYeH3idYDhA

De son côté, le représentant des militants de Lützerath, Florian Özcan, a déclaré : « L’eau est le bien de tous » et pas seulement d’une multinationale. La colère des militants est d’autant plus grande que l’entreprise basée en France se présente comme une entreprise « sociale » et « écologique ».

A Lützerath, nous luttons contre l’extraction de charbon du conglomérat RWE, nos frères et sœurs au Mexique contre l’exploitation de l’eau par Danone. On voit encore une fois clairement qui sont nos adversaires dans la lutte contre la catastrophe climatique, ce qui fait de l’eau une denrée rare : les entreprises capitalistes n’alimentent pas seulement le crise climatique, ils profitent aussi de ses conséquences, comme la sécheresse. Les plus pauvres sont ceux qui n’ont plus les moyens d’acheter l’eau de Danone alors qu’ils vivent au pied de la source.

Lakshmi Thevasagayam porte-parole de Lützerath Lebt.
Francfort-sur-le-Main, le 1er Mars 2022.

A Vienne aussi, une manifestation a été organisée devant le siège de Danone en Autriche, cette fois-ci par le groupe international zapatiste, qui a dénoncé « la complicité » entre gouvernement mexicain et la multinationale, le « pillage » de l’or bleu et a exprimé son soutien aux groupes indigènes membres du Front populaire de Cholula.