Deux écologistes mexicains sont portés disparus depuis le 15 janvier. Leurs familles pointent du doigt la société minière multinationale Ternium qui, selon eux, est responsable de la destruction de l’environnement et de la violence dans leur communauté, et pourrait avoir des liens avec les criminels qui ont enlevé leurs proches.

Ricardo Arturo Lagunes Gasca, 41 ans, avocat renommé des droits de l’homme, et Antonio Díaz Valencia, 71 ans, chef de la communauté indigène Aquila dans l’État de Michoacán, ont été vu pour la dernière fois dimanche soir après avoir assisté à une réunion du comité anti-mines.

«Aux institutions étatiques et fédérales, en plus de localiser rapidement Ricardo Lagunes et Don Antonio Díaz, il leur appartient de résoudre cette situation à partir de ses causes structurelles. L’abandon, l’exclusion et l’inégalité qui maintiennent nos communautés dans la pauvreté nous rendent vulnérables aux dynamiques de violence et à la détérioration de nos territoires », a déclaré María Ramírez, épouse de l’avocat disparu, lors d’une conférence de presse.

Véhicule criblé de balles

Les deux militants, qui luttaient contre les projets miniers de la société Ternium, ont disparu après une réunion à Aquila alors qu’ils se dirigeaient dans l’état voisin de Colima. Selon des témoins, ils auraient été suivis par des hommes en voiture et motos. La camionnette blanche dans laquelle ils voyageaient a été retrouvée abandonnée sur le bord d’une autoroute criblée de balles mais sans traces de sang. « Les tueurs à gages attendaient le bon moment. Ils avaient menacé le professeur [Díaz] et l’avocat [Lagunes] dans le passé et nous avaient dit que nous étions cinq sur leur liste » a déclaré José Rodriguez, un membre de la communauté, dont le nom a été changé pour le protéger des représailles.

L’environnement et le tissu social sont affectés

« L’entreprise est l’un des acteurs les plus puissants de la région, et ses opérations ont non seulement affecté l’environnement mais aussi le tissu social, générant des conflits et de la violence. L’entreprise entretient des relations avec différents groupes locaux et éventuellement avec les auteurs de cette disparition. Nous appelons à une enquête complète et à l’entreprise pour qu’elle nous aide à retrouver mon frère et Antonio en vie », a encore déclaré Lucía Lagunes.

Julián Vázquez Guzmán, membre de la Défense Légale, a indiqué que « des mégaprojets à grande échelle ont été imposés sur le territoire des communautés indigènes, implantant des tensions économico-politiques, comme c’est le cas de la communauté Nahua de Aquila, Michoacán », où les entreprises « ont tenté d’imposer leurs règles par de multiples stratégies ». Il poursuit: « Dans ce contexte, la violence contre les défenseurs fait partie de la violence systématique exercée par les pouvoirs étatiques qui ne garantit pas l’autodétermination des peuples et, au contraire, entrave la défense des peuples par le biais de tribunaux agraires lents soumis à la pression de entreprises extractivistes, comme dans le cas du tribunal agraire n° 38 de Colima. »

La situation est complexe et la communauté est divisée. Les groupes communautaires anti-mines exigent que Ternium Mexico respecte les promesses financières, sociales et d’infrastructure faites en 2012. Ils tentent également d’arrêter un nouveau projet minier de minerai de fer et d’autres métaux, qui, selon eux, n’a pas été autorisé.

Ternium nie

La compagnie minière Ternium Mexico a nié toute implication. Dans un communiqué, un porte-parole de la société minière a déclaré: « Ternium est contre tout type de violence et rejette catégoriquement toute spéculation et/ou diffamation qui tenterait de l’associer à tout type d’activité illégale. Nous opérons toujours dans le cadre de la loi et avec un sens large de la responsabilité sociale. Ternium est une entreprise publique leader dans la fabrication d’acier en Amérique latine, qui opère de manière transparente et selon les normes de contrôle les plus élevées dans toutes ses opérations. »

Malgré les conflits et la violence, les militants communautaires anti-mines ont juré de poursuivre leur lutte face à une recrudescence des maladies infantiles, des pénuries d’eau, de l’érosion des sols et de la déforestation. José Rodriguez a déclaré: « Nous avons peur dans cette lutte, avec la peur qu’à tout moment un autre d’entre nous puisse être le suivant. Il faut que le gouvernement récupère nos collègues, sinon les groupes communautaires devront agir. »

Une entreprise « socialement engagée »

La société minière précise sur son site internet : « Ternium s’engage à générer du progrès dans le cadre de son projet de responsabilité sociale. Ainsi, ensemble, ils réalisent une évolution durable. Il soutient la création et la mise en œuvre de projets et d’initiatives dans des aspects clés de l’être humain ».

Chaque année, elle organise le Festival du film latino-américain Ternium ainsi qu’un festival pour enfants dans différentes villes ainsi que dans les villages indigènes. La sélection traite notamment de manière contradictoire de questions liées à la société humaine, ainsi qu’aux communautés vulnérables. 

Organiser un événement culturel gratuit – avec billets de ciné imprimés, popcorn et sodas offerts dans les villages – en clamant être une entreprise « responsable » et « engagée socialement » est une manière finalement peu coûteuse de se payer une image respectable et altruiste.

Ternium Mexico est la filiale locale du groupe sidérurgique luxembourgeois Ternium, qui fait partie du groupe italo-argentin Techinta.