Les anciens se souviennent sûrement, à Genève ou en Savoie, du Père Chalande, vieillard qui adresse une allocution aux enfants réunis autour de l’arbre de Noël. C’est en fait une version régionale du Père Noël, avant que le nom de ce dernier ne conquière le « marché » francophone.

En arpitan, langue minoritaire de Suisse romande, de Savoie et de Rhône-Alpes, chalande (tsalandè), du latin calendae (calendes, premiers jours du mois romain) signifie Noël.

Selon des témoignages, on fêtait Chalande avec des oranges, des rissoles (ou r’zules en arpitan savoyard), une bûche creusée et remplie de noix et de châtaignes. Elle était disposée devant la cheminée.

Le Père Chalande dans la Tribune de Genève, 2014.

Si Saint Nicolas est traditionnellement considéré comme le saint à l’origine du Père Noël, ce personnage cosmopolite est le fruit d’un mélange entre plusieurs traditions, contes, légendes et folklores. La sociologue Martyne Perrot résume ce syncrétisme : « l’idée que le père Noël est américain est partiellement vraie car la construction de ce personnage est en fait liée à l’histoire des migrants new-yorkais. C’est un personnage migrant, qui a pris un peu de tous les pays où il est passé et il est riche d’emprunts culturels divers. » Le personnage tel que nous le connaissons aujourd’hui est issu d’un triple mouvement en profondeur, l’américanisation, l’uniformisation et la déchristianisation.

En effet, le journaliste de Swissinfo Bernard Léchot nous rappelle qu’au « XVIIIe siècle, époque de rationalisme s’il en est, dans le but de laïciser leur pays, des Landgraves protestants d’Allemagne décidèrent de supprimer les personnages chrétiens des coutumes de Noël. Les grandes figures du paganisme ancien resurgirent alors progressivement…. Et parmi elles le personnage du «Vieux», qu’on désigne alors comme le Weihnachtsmann… La longue barbe, le manteau de fourrure et le sapin décoré lui sont d’ailleurs associés. Le Weihnachtsmann allemand va faire des émules dans les pays voisins: en France, on l’appellera le Bonhomme Noël, en Savoie le Père Chalande et en Angleterre Father Christmas« .

Le Père Noël en couverture du magazine américain Puck, 1902.

La dimension mercantile de Noël ne doit pas être évacuée: c’est un dispositif mis en place depuis au moins le milieu du XIXe siècle. Comme le démontre du reste Martyne Perrot, « il s’agit d’une fête et d’une pratique qui sont étroitement liées aux différentes évolutions du commerce, que ce soit pour les bimbeloteries ou le développement des grands magasins. On voit apparaître alors, dès le XIXe siècle, différentes innovations qui perdurent encore de nos jours : les catalogues qui soulignent les tendances du moment, les affiches publicitaires avec les premiers personnages incarnant Noël, l’empaquetage systématique du présent par du papier cadeau, ou encore l’instauration des premières vitrines animées des grands magasins. »

L’idée selon laquelle le père Noël aurait été dessiné par la compagnie Coca-Cola en 1931 est une légende urbaine. Une étude de la représentation du père Noël dans les années précédentes montre en effet que l’aspect qu’on lui connaît aujourd’hui était déjà répandu, y compris sa couleur rouge, utilisée dès 1866, et même avant, par exemple aux Pays-Bas.

De nos jours, seuls quelques rares articles mentionnent le père Chalande dans la presse de Genève ou du canton de Vaud. Dans le Chablais savoyard, certaines communes organisent des veillées du père Chalande (Les Gets, Thonon).

Voici une chanson qu’on chantait alors:

Chalande est venu
Son chapeau pointu
Sa barbe de paille
Cassons les anailles (noisettes)
Mangeons du pain blanc
Jusqu’à Nouvel An.
Il monte dans sa chambre
Il trouve une orange
Il la pluche
Il la mange
On l’appelle le petit gourmand.
Il descend les escaliers
Il se casse le bout du nez
Il va chez le cordonnier
Se faire mettre une pièce au nez
Quand il est malade
Il mange de la salade
Quand il est guéri
Il mange des souris
Toutes pourries !

A voir: reportage de la RTS sur Noël à Genève en 1960
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