Le nombre de travailleurs frontaliers français et allemands dans la région de Bâle a diminué pour la première fois depuis la crise financière de 2009. L’essor économique allemand et le monolinguisme français explique en partie ce phénomène. Une initiative pour encourager le bilinguisme français-alsacien a été prise.

L’augmentation légère mais régulière de travailleurs frontaliers dans la région a atteint un sommet en 2017 avec près de 36’000 personnes. Au troisième trimestre de 2018, ce chiffre était tombé à environ 34’500 personnes.

Cela s’explique tout d’abord par la diminution du nombre de travailleurs frontaliers allemands due à une reprise sur le marché du travail dans le sud de l’Allemagne, qui a maintenant du mal à trouver suffisamment de travailleurs pour soutenir ce retour à l’emploi. La Suisse attire moins les Allemands méridionaux.

Le bilinguisme ou trilinguisme se perd en Alsace

En ce qui concerne les travailleurs habitants en Alsace voisine, ils sont moins de 18’000 fin 2018 à franchir la frontière, une tendance à la baisse due au net déclin de l’utilisation de l’alsacien (proche du dialecte bâlois) et de l’allemand dans la région. La barrière linguistique les empêche de travailler dans les cantons de Bâle-Ville et de Bâle-Campagne. L’économie bâloise a besoin de moins de travailleurs dans les secteurs de la vente et du secondaire, mais davantage dans la recherche et les professions hautement qualifiées, telles que la recherche sur les drogues, où les langues, notamment l’anglais et l’allemand, sont essentielles.

Les frontaliers alsaciens, du fait de ce handicap linguistique, sont plus susceptibles d’être embauchés dans l’industrie de la construction – en tant que plâtriers, électriciens ou chauffagistes – en cas de pénurie de main-d’œuvre locale.

Expérimentation pour encourager le bilinguisme

La perte des nombreuses langues minoritaires de France (occitan, arpitan, breton, alsacien, basque…) au profit de l’unique langue française montre ses effets négatifs. Dans le cas de l’Alsace, cela a pour effet d’éloigner les Alsaciens des Bâlois et donc de limiter l’accès à l’emploi.

Pour tenter d’endiguer le phénomène, Jean Rottner, le président de la Région Grand Est et ancien maire de Mulhouse a demandé aux chemins de fer français à ce que les annonces à bord des trains régionaux de la ligne express Strasbourg-Bâle, soient complétées par des salutations en alsacien. Ainsi l’annonce après départ « Mesdames, Messieurs, bienvenue à bord, nous vous souhaitons à tous bon voyage » est suivie désormais par: « Liewi Dame un Herre, Willkumme an Bord, mir winsche in alle a scheeni Reis ».

Les annonces avant l’arrivée en gare intermédiaire ou en gare terminus ont droit aussi aux annonces bilingues, soit prononcées au micro par un contrôleur, soit par un message audio préenregistré et déclenché à l’aide d’un natel: « Liewi Dame un Herre, mir hoffe, ass-n-ihr e güeti Fahrt han g’hett, d’Region Grand Est un d’SNCF winsche Ejch e angenahmer Dàà » (Mesdames, Messieurs, nous espérons que vous avez effectué un bon trajet, la Région Grand Est et la SNCF vous souhaitent une bonne journée).

« Ça met les voyageurs, qu’ils soient habitants du territoire ou visiteurs, en contact avec la langue régionale dans l’espace public. Nous avons pris cette initiative pour encourager le bilinguisme et promouvoir l’apprentissage de l’alsacien tout en injectant une dose de convivialité », explique encore Jean Rottner.

Bénédicte Keck, chargée de mission à l’Office pour la langue et la culture d’Alsace-Moselle (OLCA) a organisé des séances de formation à la prononciation à l’attention de 40 agents de contrôle, dont 36 n’avaient aucune connaissance de la langue alsaciennne. Cela s’est fait sur la base du volontariat. « Un bilan sera effectué après six mois. En cas d’engouement on l’étendra à d’autres lignes alsaciennes » , conclu Jean Rottner.