Le dimanche à Genève peut rapidement devenir un mauvais rêve, spécialement en automne. L’été est terminé, l’option « lac » envolée, l’hiver n’est pas encore arrivé et l’option « ski », bien qu’elle commence à trotter dans les têtes n’est pas réaliste, malheureusement, on ne skie pas en novembre par ici ! Alors, quand on se lève et que le stratus a l’air bien installé, que faire si on ne veut pas traverser le Mont de Sion, derrière lequel le soleil semble toujours darder généreusement ses rayons ! Eh bien, on peut en quelques coups de pédales se diriger vers Carouge, la commune sarde, qui a su garder son charme et ses petits plaisirs.
Je me décide. Il est à peine midi lorsque j’arrive. Autour de la place du Marché, il y a une vie le dimanche ! Plusieurs restaurants sont ouverts, le cinéma Le Bio se réjouit de vous accueillir, et les Brocantes de Carouge rayonnent pour leur dernière sortie de l’année 2015. Un petit bonheur de plus que j’avais oublié ! Comme il est l’heure de passer à table, je jette mon dévolu sur le Café du Marché, justement. La cuisine de saison, aujourd’hui, par exemple : saucisse vaudoise ou soupe de courges, sans compter sur le cerf (la chasse est arrivée, comme on dit par ici), y est toujours délicate et raffinée, le personnel attentionné et serviable, un plus sous nos latitudes !
Je m’installe, la décoration a été légèrement modifiée depuis mon dernier passage. Changement de saison palpable aussi sur les murs et le plafond : on peut y lire des phrases invitant à la méditation autour de la nourriture et de ses plaisirs. L’ardoise qui propose une côte de bœuf de 800 grammes pour deux soit ou une entrecôte de 250 grammes, me donne le vertige. Je choisis une salade de saison et une soupe de courges dont je suis une fan inconditionnelle ! Sans oublier un verre de vin blanc aligoté du canton de Genève pour couronner le tout.
Je ne me suis pas aperçue tout de suite que le stratus avait été délogé, mais je crois bien que les rayons du soleil ont commencé à inonder la place du Marché de Carouge lorsque je dégustais ma divine soupe. Chaque cuillère qui arrivait à ma bouche gourmande et avide, s’offrait sans pudeur, sans retenue, et je l’engloutissais goulument sans demander mon reste. Il faut aussi avouer que je n’ai pas su résister à l’appel « carollien » du coulant au chocolat et de sa glace à la meringue. « Mange-moi…» m’a-t-il susurré… No regrets !
Quand le repas fut fini, je me suis glissée entre les étalages plus ou moins spécialisés des brocanteurs. J’ai remonté le temps en tombant sur « Une histoire de la Gestapo », un frisson a parcouru mon échine à la pensée des résultats des dernières élections fédérales. J’ai croisé beaucoup de vieilleries que ma grand-mère française collectionnait puis j’ai retrouvé des objets que j’avais moi-même possédés, il y a plus de vingt ans. A l’époque, j’adorais fouiller aux Emmaüs de Wambrechies ou de Nieppe. Je me souviens de ces petits verres à vodka très colorés ou de ces vieilles boîtes rouillées sur lesquelles on distinguait à peine « Pastilles Valda » et que je croise à nouveau.
Cartes postales, vieux albums aux photos figées, 33 tours en goguette, chemises de nuit en dentelle, bottes en crocodile posées tout contre une toile de jute, vieilles locomotives aux initiales si familières et si lointaines : SBB CFF FFS, ou encore un globe exhibant un monde où chaque centimètre carré paraît à portée de main et m’appelle. Tiens, la chanson de Barbara sur la salle des ventes me traverse l’esprit. Si les objets pouvaient parler, ils seraient intarissables ! Que sont devenus les êtres photographiés en sépia dans ces albums d’un autre âge ? A quelle ménagère appartenaient ces pots jaunes et blancs, sur lesquels je lis : « café », « sucre », « riz », « semoule » ou encore « girofle » ? Pour quel amant avait-on acheté cette broche ternie par le temps ?
Les cloches ont sonné seize heures, j’ai vu que le soleil avait entamé la fin de sa course quotidienne. Alors, j’ai repris le chemin de la maison, emportant en mon cœur tous ces frissons de bonheur purs et gratuits, tous ces petits voyages, tous ces tendres souvenirs. Je les retranscris à présent en formes composées de vingt-six signes qui se déclinent en une myriade de sensations, d’impressions. Un beau dimanche, en somme, un beau dimanche.
Carouge sur Genève Tourisme.