Les gens n’écrivent plus. Ils tapent. Ils TAPENT !!! Tac, tac, tac… Clavier. Ordinateur. Traitement de textes. Imprimante. Toutes ces lettres bien alignées qui finissent dans des lignes, des pages, et parfois même des livres, pour être ensuite consommées à outrance, mastiquées, digérées, et finalement régurgitées dans d’autres feuilles virtuelles.

Oui mais voilà, écrire, ça fait peur. Je veux dire, une feuille blanche, un stylo, c’est minimaliste, c’est nu, c’est vide. Alors qu’un ordinateur, c’est imposant, ça rassure. Pas étonnant que dans notre société, la beauté d’une femme soit proportionnelle à la taille de ses glandes mammaires. Plus c’est gros plus c’est beau.

Et puis écrire, c’est fatiguant. Ca fatigue le poignet. Et si le poignet est trop musclé, c’est moche. On prône le poignet fin et délicat, le poignet qui n’a jamais eu à travailler. Alors que c’est bien plus agréable de taper.

Et puis il y a un correcteur d’orthographe. Parce que l’orthographe, c’est important. Ca aseptise. Ca nettoie. Les fautes d’orthographe, c’est comme des boutons sur le visage, ou des mauvaises herbes, c’est repoussant. Et quand on écrit, on fait des ratures. C’est moche. C’est comme les rides, c’est une marque du temps. Une page lisse, sans ratures, c’est beaucoup plus joli, et agréable.

C’est pour toutes ces raisons que les gens n’écrivent plus. Ah ben voui, mais après la grève générale du syndicat des stylos, c’est au tour des lettres de se révolter. Elles en ont MARRE !!! MARRE de se faire taper dessus, au lieu d’être joliment dessinées, MARRE d’être uniformes, toujours pareilles, MARRE d’être bien alignées, elles veulent se sentir exister. La bonne affaire…

Si bien qu’ont émergé plusieurs partis politiques parmi elles. Des lettres comme le C militaient pour que chaque lettre soit utilisée exactement le même nombre de fois dans chaque texte, réforme difficilement applicable.

Les lettres comme le S voulaient remédier au chômage des lettres les plus défavorisées comme les W, X, Y et autres Z, en créant de nouveaux mots, et en adoptant des mots de langes étrangères.

Les lettres comme le U, le M ou le P, voulaient que les inégalités entre lettres soient préservées, et que les voyelles déjà bien utilisées, comme le E ou le A, le soient encore plus, en les simplifiant. Par exemple, le E, au lieu d’être une boucle, serait devenu un trait, et le A, serait devenu une petite canne, plus petite que le N. Ainsi, ces deux lettres seraient plus utilisées, car plus faciles à écrire.

Quant aux lettres comme le F ou le N, elles demandaient l’expulsion des lettres peu utilisées comme les W, X, Y ou Z, car inutiles, et elles allaient même jusqu’à demander à ce que les lettres restent entre elles, afin de former des mots monolettres, ce qui simplifierait le langage et éviterait les métissages entre lettres d’horizons différents. On aurait donc : « SSS SSS VVV ? OOO EEE TTT ? »

Voilà pourquoi j’écri , pour que le  lettre  ne  e fa  ent pa  la malle, et pour qu’elle  pui  ent  e  entir exi ter elle  au  i.