À quatre mois de l’inauguration du réseau ferroviaire transfrontalier Léman Express dans le Grand Genève, et alors que ses tarifs  récemment dévoilés sont qualifiés de « trop cher » par ceux qui gagnent un salaire français – la ville de Dunkerque dresse le premier bilan de la gratuité des transports en commun.

C’est l’une des priorités dans les régions françaises, le développement des transports publics, dans ce pays très en retard en ce domaine. La ville de Dunkerque, dans le nord de la France, a voté en octobre 2018 pour la gratuité du réseau. Neuf mois plus tard, le premiers bilan est  très positifs, notamment avec une nette hausse de la fréquentation: septante pour cent en plus en semaine et 140% le week-end. Nombre d’habitants, vivant près d’un arrêt de bus ont décidé de laisser leur voiture au garage, surtout qu’avec la mesure, le réseau a été étoffé, et le nombre de rotations multipliés.

Les commerçants ressentent quant à eux un nouveau dynamisme du centre-ville. Sans avoir besoin de chercher une place, ni de la payer, les habitants de la périphérie s’y rendraient plus facilement.

Moins d’incivilités

Enfin, selon une étude réalisée sur six mois dans les transports le dimanche et les jours fériés, les actes d’incivilités auraient baissés de 59%. Pour le maire de Dunkerque, cela est dû à la fois par une grande approbation de la mesure (septante-deux pour cent des personnes interrogées pensent que la gratuité constitue une avancée), et par ce que le maire nomme « la hausse du contrôle social, du fait qu’il y a davantage de monde dans le bus ».

D’autres villes dans le monde ont fait le choix de la gratuité, comme la capitale estonienne Tallinn (450’000 habitants), Aubagne en France ou encore le Luxembourg. La population du canton de Genève avait quant à elle rejeté à 67,2 %, en 2008, une initiative en faveur de la gratuité, mais avait refusé l’augmentation du prix des billets et des abonnements en 2017. Dans le canton de Neuchâtel, le peuple devrait se prononcer sur la question. Les initiant envisagent un financement « par le biais d’une adaptation des déductions fiscales liées aux frais de déplacements ».

Le scientifique et essayiste Albert Jacquard déclarait en 1993: « Il faut tout repenser autrement. Un tout petit exemple, un peu pittoresque, j’y pense quand je suis en voiture. Pourquoi est-ce que dans les rues de Paris je peux circuler ? Parce qu’il y a un certain nombre de centaines de milliers de braves gens qui sont sous terre dans le métro. Ils me rendent service en étant là, s’ils n’étaient pas dans le métro, ils seraient dans les rues et je ne pourrai plus bouger, ce serait complètement engorgé. Par conséquent, le métro rend service aux gens qu’il transporte mais il rend encore plus service aux gens qu’il ne transporte pas. Par conséquent, ce service, il faudrait le payer. Par conséquent, c’est parce que je ne prends pas le métro mais ma voiture que je dois payer le métro. Et à la limite on peut dire que le prix du billet de métro devrait-être négatif puisque les braves gens qui descendent sous terre rendent service aux autres en leur permettant de circuler à peu près tranquillement. Alors, à défaut d’être négatif, ça pourrait au moins être nul. Et j’imagine que voilà une action facile à faire qui consisterait à faire payer le métro parisien par ceux qui utilisent leur voiture. C’est juste, c’est économiquement parfaitement justifiable et pourquoi est-ce qu’on ne la fait pas ? On n’ose pas revenir en arrière sur des idées reçues. Ce n’est qu’un petit exemple pittoresque mais je crois que l’essentiel aujourd’hui, sinon on va à la catastrophe, c’est de remettre à plat toutes nos idées reçues. »

Photo CC CODinDK