La commune de Sciez-sur-Léman, dans le Chablais savoyard, souhaite la destruction de la maison d’habitation à l’architecture remarquable pour construire des immeubles, dans le cadre de l’agglo du Grand Genève. Ses propriétaires, occupants et voisins veulent la conserver. Une pétition a été lancée.

L’Alvéole est une bâtisse à l’architecture hexagonale à base octogonale tronquée, construite dans les années huitante sur les plans de Jany Lavy, fleuriste du village de Bonnatrait, diplômée de l’École supérieure des beaux-arts de Genève. Elle semble faire écho à l’école de la Bulle, bâtiment à l’architecture organique classé à Douvaine, dans une version plus contemporaine.

Elle a l’allure d’un chalet, mais sous son bardage bois du rez supérieur, la structure est faite de béton armé, à l’image du balcon à 360 degrés.

Photo Ermin Apel

Inspirée à la fois par les alvéoles d’abeille et les yourtes – dans une version sédentaire, en dur – avec sa cheminée centrale et ses grandes baies vitrées pour capter la lumière.

Sur les murs extérieurs, des peintures aux couleurs éclatantes sont exposées. Il s’agit d’oeuvres de Rémi Gay (1941-2015), peintre chablaisien se réclamant de l’abstraction lyrique.

Elle s’inscrivait dans le cadre du développement d’un quartier d’Alvéoles, avec des commerces et une aire de jeux, dont le permis de construire a été accordé en 1985. Un projet qui, bien qu’avalisé par les services de l’urbanisme, n’a jamais été mené à son terme.

Les accès, deux passerelles, l’une au nord, l’autre au sud, enjambent une « douve ». Pour le côté insulaire ou village fortifié, c’est selon… En effet, confortablement installée au centre d’une parcelle de 3000 m2 arborisée, elle nargue les promoteurs immobiliers, galvanisés par le nouveau Plan local d’urbanisme qui leur promet de construire un nouveau quartier à la verticale et des centaines de places de parking dans cette zone située sur l’axe Genève-Thonon.

La réalisation de l’agglomération du Grand Genève, entre « intimidation » et bulldozer

Un nouveau rond-point, indissociable du projet, a été estimé à 6 millions d’euros. Image DR

Et en juin 2018, le quotidien Le Dauphiné nous apprend que la commune de Sciez a officiellement annoncé le développement à court et moyen terme d’un projet d’urbanisation massive de la zone: 6 immeubles comprenant 180 logements devraient s’y élever, à la place d’une ferme déjà détruite, d’un magasin de fleurs, de chalets savoyards ainsi que de l’Alvéole.

Le propriétaire, qui tentait depuis trois ans de dialoguer avec la municipalité au nom de la communauté de voisinage, avait été dans un premier temps assuré par Odile Longuet, adjointe au maire de Sciez chargée de l’urbanisme, de pouvoir rester dans sa maison et de participer à l’élaboration du projet: « à chaque séance de travail nous évoquons votre situation pour l’intégrer dans le projet », lui écrivait-t-elle fin 2017.

Mais finalement, « mes voisins et moi avons été mis devant le fait accompli par la municipalité: il n’y a pas d’autre solution pour que le projet démarre, il faut qu’absolument tous les propriétaires de la zone vendent. Il disent  vouloir commencer les travaux dans dix-huit mois. Il ne nous resterait alors qu’à négocier « à l’amiable » la « valorisation » de nos terrains directement avec le promoteur, Priams Immobilier. La communication de la mairie ressemble fortement à de l’intimidation », commente-t-il.

« Nous comprenons qu’il y ait un besoin de logements, mais nous refusons la politique de la table-rase. Qu’ils cessent de détruire notre patrimoine. Rien ne les empêchent de revoir leurs plans. L’Alvéole et les chalets resteront ainsi un îlot de verdure entre la zone artisanale et les immeubles », conclut-il.

« Nous réalisons une agglomération »: Jean-Luc Bidal, maire, et son adjointe à l’urbanisme Odile Longuet. Le Messager, octobre 2014.

Le maire de Sciez, quant à lui argue d’une « obligation de construire » par l’Etat et de l’acceptation par le préfet du plan local d’urbanisme qui vient d’entrer en vigueur. Si les négociations avec le habitants n’aboutissent pas, il faudra prouver qu’il n’y a pas d’autre choix que d’exproprier, qu’il ne peut pas construire ailleurs.  « Oh vous savez moi, dans un an et demi je ne suis plus là! », lança-t-il lors de la réunion « d’information » pour les propriétaires des terrains de la zone concernée. Un beau sac de nœuds en héritage pour le prochain premier édile, en somme. À moins que le promoteur ne déplace l’Alvéole? « Pourquoi pas? » conclu le propriétaire. « Je reste ouvert à la discussion, même si je condamne leurs méthodes »

Une pétition a été lancée par des habitants de la commune pour la préserver de la destruction.

Affaire à suivre…

Côté Sud-Est, en hiver.
Le projet « Alvéoles » de 1985.

Témoignages de voisins

Cette maison appartient à une famille. Il y a des vies, une histoire, un passé et je leur souhaite un futur. Détruire cette maison c’est détruire cette famille.
Adeline

Il faut stopper les constructions sur Sciez déjà trop nombreuses ! Les infrastructures ne sont pas suffisantes et le trafic et déjà saturé! Laissons cette maison à ses propriétaires, l’argent ne remplace pas un bien familial!
Christel

Il faut sauvegarder les belles oeuvres telle que celle ci ! Un patrimoine et aussi une famille qui l’a faite bâtir ou l’a  bâti de ses propres mains !
Aude

Je considère que ma commune n’a pas besoin de détruire du patrimoine local pour construire toujours et toujours plus.
Patrick

Cette maison est familière dans notre environnement et nous préserve du tout-béton.
Philippe

Les urbanistes n’ont qu’à faire des plans en contournant la parcelle. Stop au lobbying!
Fabienne

Il faut arrêter de bétonner notre commune. Écoutez vos électeurs n’enlaidissez plus notre commune qui devient invivable. Sauvez la maison.
Lucienne

On garde cette maison! C’est une œuvre d’art! Ras-le-bol de raser des merveilles pour construire des immeubles à la con!
Michelle

Attention, M. le Maire, vous perdez votre charme de village touristique!
Audrey

C’est honteux. La ville n’entretient pas les routes, les structures ne suivent plus. Arrêtez de bétonner. Le trafic est déjà trop dense. Les sens interdit se multiplient, le maire veut des immeubles, une plage immense et des ronds points, qu’il aille les faire ailleurs ! Je suis contre la destruction de cette belle maison et contre le bétonnage à tout prix.
Sandrine